Cartîgna " : Petite lettre brésilienne

Fazenda Nova, le 31 mars 2002.

        Chers Amis,

        Au début des années 60, au Brésil et dans l´ensemble de l´Amérique latine, avec l’appui de l’Eglise catholique, de nombreux groupes de femmes et d’hommes créèrent les " Communautés Ecclésiales de Base ", cebs@robynet.com.br. Fondées sur la théologie de la libération, ces communautés rurales et urbaines se répandirent rapidement en aidant les travailleurs à s’organiser collectivement pour lutter contre toutes formes d’injustices sociales. En relisant la Bible à partir du point de vue des opprimés, les théologiens de la libération condamnent le système capitaliste, le jugeant opposé au respect de la personne. L´actuelle globalisation de l´économie confirme ces propos.

        Sous la dictature militaire qui sévit au Brésil de 1964 à 1984, naît en 1975 la " Commission Pastorale de la Terre ". Les communautés ecclésiales de base du centre et du nord du pays s´organisent pour défendre les petits paysans. Les conflits pour la terre se généralisent dans tout le pays "obligeant" la C.P.T. à devenir une institution nationale - http://www.cptnac.com.br. C´est dans l’état de Rio Grande do Sul qu´elle donne naissance au " Mouvement des Paysans Sans Terre " - www.mst.org.br.

        Cette lutte pour la redistribution équitable de la terre est dure. Toujours aujourd´hui, de grands propriétaires ont recours à la violence et paient des " pistoleiros " pour assassiner ceux qui conscientisent le peuple à son droit fondamental de posséder une terre y pour vivre. Le journal " Pastorale de la Terre " publie régulièrement des listes de femmes et d´hommes assassinés et renseigne les dates, les noms, les lieux et les identités des commanditaires suspectés. Ceci n´est pas de la fiction ! C´est notre réalité. Aussi dramatique que les enfants de la rue assassinés...

        Sous la dictature militaire, la C.P.T. cptdiocesegoias@cultura.com.br a joué un rôle fondamental pour démasquer les politiques répressives envers le peuple brésilien et est, toujours aujourd’hui, un pilier central de l’organisation de la lutte des opprimés pour l’accès à leur terre.

        De 1967 à 1997, l´évêque de Goiás, Dom Tomás Balduíno, fut loin d´être inactif. Homme de fortes convictions, il soutint toutes les actions de la Commission Pastorale de la Terre.  Agé de 78 ans mais d´une incroyable jeunesse, doué d´un équilibre et d´une sagesse hors du commun, sa prière surprend en simplicité et détermination. Il confie à Dieu les soucis des personnes rencontrées tout comme les enjeux des décisions politiques du moment. ( ou, l´absence de décisions ). Etonnant !

        L´engagement d’un avocat, le travail d’éducateurs populaires et une présence permanente de religieux dans les " acampamentos " - campements précaires et provisoires sur les terres revendiquées – permirent de grandes conquêtes par les paysans sans terre. Dans les municipalités de Goiás, d´Itaberaí et d´Itapirapuã, quelques 30 grandes fermes – " fazendas "- furent légalement désappropriées, " réinstallant " ainsi 1300 familles opprimées dont le rêve était de retourner à la terre pour planter, cultiver et vivre de leur travail.

        Dom Eugênio Rixen, l´évêque actuel de Goiás, est lui aussi engagé dans le champ social. Avec lui, nous accompagnons ce peuple humble et sans grands moyens, mais dont le courage et la foi forcent notre admiration ! Ici, à Fazenda Nova, personne ne meurt de faim : la région est agricole et une grande solidarité unit les familles pauvres. Cependant, si ici personne ne meurt de faim, pour près de 50 % de la population, la vie pratiquement se limite à cela. Bien connaître l´histoire de ce peuple et ses combats pour la justice est une réalité incontournable pour nous. Aux chrétiens engagés de ce peuple, l´évêque confie des responsabilités pastorales, continuant ainsi à faire de l´Eglise de Goiás une Eglise de communautés ecclésiales de base - CEBs -.

        Au Brésil, 50 % de la population a moins de 20 ans. Souvent ces jeunes ont l´illusion de croire que la ville, mieux que la campagne, leur permettra d´avoir un emploi. S´offre donc ce nouveau défi à la Commission Pastorale de la Terre : diminuer l’exode rural des campagnes vers les villes. Ainsi, une fois les terres obtenues et redistribuées aux familles, il s´agit de développer les aspects techniques de leur production jusqu´à la commercialisation des produits. Pour atteindre cet objectif, des professionnels sont indispensables.

        Voici deux ans, dans le cadre de la coopération belge au développement, la C.P.T. de Goiás a contracté deux agronomes fraîchement sortis de l´université, Benoît et Inès Rixen. La tête pleine de rêves et d´idéal, enthousiastes et compétents, ils étudient la viabilité des projets collectifs des familles des assentamentos – priorité ici donnée aux plus pauvres - cherchent comment en améliorer les techniques d´exploitation, étudient les marchés... bref, réalisent un passionnant travail de terrain.

        Je termine en évoquant mes six semaines de vacances passées en Belgique. J´ai éprouvé un très grand bonheur à vous revoir ! Hélas, il y avait tant de rendez-vous que je n´ai pu vous visiter tous ! Ce fut un réel marathon ! J´en suis revenu l´esprit décontracté et la mémoire remplie de souvenirs. Maintenant, je suis prêt commencer une seconde étape aussi enrichissante que la première. C´est qu´à présent je me sens un peu plus à l´aise, un peu plus sûr, un peu plus "brésilien".

        Une amie brésilienne en Belgique fut très heureuse de me trouver ainsi, bien dans ma peau, épanoui dans mon travail, souriant et détendu ! Fière de son peuple - source de ma transformation - elle m´a avoué qu´en elle-même, c´est ce plus grand équilibre de ma vie qu´elle souhaitait le plus pour moi ! Et elle ajouta qu´il n´y a pour cela qu´un seul chemin : s´impliquer de tout son coeur et de toute son âme avec son peuple brésilien en partageant ses rires et ses pleurs.

        A vous tous pour qui ma visite fut "absente" ou "beaucoup trop courte", sachez comme j´ai du faire des choix difficiles ! Je vous envoie des voeux d´espérance ! En retrouvant Fazenda Nova, ma petite ville et ses habitants, j´ai replongé dans l´animation joyeuse de ses rues qui chantent la vie, sa musique omniprésente sous le soleil, la dilettante des uns et l´exubérance des autres, cette ambiance colorée, fascinante, envoûtante des villes du sud.

        Accompagné des cris de ces enfants qui se poursuivent en jouant sous le préau du marché, je vous souhaite, à tous, la joie de conduire ce monde à d´heureuses harmonies !

Bonne et Sainte Fête de Pâques !
Père Paul.


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                                                                                     Praça Central, s/n
Tél : + + 55 / 62 / 382.12.58                                    CEP 76.220-000 Fazenda Nova (GO)
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