" Cartîgna " : Petite lettre brésilienne - Février 2008

Fazenda Nova, le 1er février 2008.

Chers Amies et Amis,

            Je dédie cette Cartîgna à Maria qui m´écrivait : « Le temps s´en va. J´ai soif de ces heures à m´occuper. Nous tous, tissés de Dieu, sommes formés par tant et tant d´êtres, entrelacés par tant et tant de relations. Nous sommes appelés à habiter l´univers de l´enfance duquel jamais nous n´aurions du sortir, puits profond auquel toujours nous devrions puiser l´eau vive, cherchant l´essentiel et l´Auteur de la vie. Remercie-Le pour les maisons sans murs, sans portes ni fenêtres, espaces pour voler et savoir ce qu´est vivre inspirés pour chanter, sourire, aimer et découvrir qui en réalité nous sommes. »

            De Pâques 2005 à ces jours, nous avons traversé quelques turbulences comme une riche expérience de vie que seuls quelqu´uns en connaissent tous les détails. Au creux des signes, Dieu se révèle et nous permet d´être davantage doux et résistants. Heureux les doux, ils possèderont la terre. Heureux ceux qui ont faim et soif de justice, ils seront rassasiés.

            Je suis heureux de pouvoir écrire une nouvelle Cartîgna comme le peintre est heureux de retrouver l´inspiration. Certains sont restés sans nouvelles. D´autres sont venus les chercher. En ce début 2008, souhaitons-nous une heureuse année aux risques de l´Evangile.

            Turbulences et risques, retenons ces mots. Le fait de ne pas fréquenter ceux qui se croient riches les dérange. Et beaucoup. Commencent alors les remous. Intrigues, mensonges, calomnies, menaces, chantage. Donner priorité absolue aux appauvris est notre vie dans la mesure du possible. Le Père Alfredinho a dit un jour à propos de Jésus : cet homme s´est mis dans la file des exclus pour se faire baptiser par Jean et rempli de l´Esprit a décidé de ne jamais sortir de cette file. Option préférentielle pour les pauvres.

            Cette option prophétique, mon maître l´a choisie. Avec lui, d´autres ont suivi. Que sera demain ? Un cantique liturgique brésilien dit ainsi :  « communier avec la lutte du peuple, c´est devenir un danger pour d´autres. Nous sommes venus pour incommoder. Avec foi et union, un jour nos pas arriveront au but. »

            Turbulences, lorsqu´en groupe de pression nous soutenons des commissions d´enquête pour que soient dénoncées et punies les corruptions d´un bourgmestre et des échevins de son bord. Risques, lorsqu´on donne priorité absolue à une rencontre de trois jours en compagnie des jeunes de tout le centre-ouest du Brésil. Turbulences, lorsqu´en groupe de conscientisation nous voulons casser les monopoles de ces personnes influentes qui s´allient pour se maintenir au pouvoir, y compris dans la communauté ecclésiale. Partout se rencontrent ces personnes qui ont toujours voulu commander les autres et recevoir les éloges de celles et ceux qu´elles asservent.

Eugène Rixen, l´évêque de Goiás qui m´a appelé au Brésil, nous conseille de vivre tout en communion avec le peuple. De ne jamais agir isolément. Lui, le premier, nous questionne, nous accompagne, nous appuie. Dernièrement, il a envoyé à toute la communauté chrétienne de Fazenda Nova une lettre pastorale donnant son point de vue sur notre situation et l´orientation du diocèse. Il a confirmé nos engagements et réprouvé certains agissements anti-chrétiens.

Nous nous sentons réconfortés lorsque nous arrive une telle lettre. Après des mois d´âpres combats, tel un cadeau de Noël, vient la pluie pour abreuver nos terres arides. Les psaumes chantent ces passages de la souffrance à la délivrance : « Le Seigneur s´est souvenu de ma plainte, il a entendu mon cri. Ceux qui sèment dans les larmes moissonnent en chantant. »

             Au mois de novembre 2006, les représentants des paroisses, des pastorales et des mouvements du diocèse, après de nombreux débats, votèrent à l´unanimité l´ OPTION FONDAMENTALE suivante :

«  En obéissance à l´Evangile, nous, Eglise de Goiás, Peuple de Dieu, vivant le Règne de Dieu, nous optons pour réaliser un grand réseau de Communautés Ecclésiales de Base (CEBs) qui unissent  la foi et la vie.

Toutes et tous, disciples de Jésus-Christ, nous voulons construire des relations de solidarité, de justice et de communion, ouverts à la diversité.

Convoqués par notre baptême à être tous et toutes missionnaires, nous renouvelons, avec toutes les personnes exclues des campagnes et des villes, l´évangélique option pour les pauvres, voulant lutter avec elles pour la défense urgente du milieu ambiant et pour la vie en plénitude.

La compassion, la Parole et la pratique du Ressuscité animeront notre cheminement. (caminhada,  cheminement dans le  sens d´un engagement collectif de vie et de foi.) »

            Nous ne sommes pas destinés à rester installés dans un fauteuil mais à nous lever et marcher confiants sur des chemins à découvrir au cours de notre marche. « Va vers tes sœurs et tes frères qui subissent l´oppression, l´injustice, l´exclusion ! Moi, le Seigneur, je suis avec toi. »

            Au 31 décembre 2007, s´est achevée ma mission à Novo Brasil. Je reçois la nouvelle tâche d´accompagner la Commission Pastorale de la Terre (C.P.T.) de Goiás, tout en restant curé de Fazenda Nova. Nouveaux défis. Nouveaux horizons. Avec Eugène Rixen, nous avons accompagné la lutte pour la vie des riverains du fleuve Sao Francisco. L´évêque de Barra, dans l´Etat de Bahia, a commencé, pour la seconde fois, un jeûne de protestation contre la transposition du fleuve au bénéfice des puissants locaux. Nous étions en lien avec la C.P.T. de Bahia et son coordinateur Thomas Bauer. Merci a vous tous qui vous êtes mobilisés avec nous.

            Contrairement à beaucoup aujourd´hui dans l´Eglise, ici à Goiás, nous croyons toujours au signe prophétique d´une Eglise de CEBs. Notre option fondamentale inspirée par l´esprit des Conférences Ecclésiales Latino-Américaines (Célam) dérange elle aussi. Les familles chrétiennes traditionnelles veulent avant tout des sacrements ! Surtout, sans engagements compromettants. Notre théologien de référence, Joseph Comblin, est toujours sur la brèche plus jeune que jamais. Quel plaisir de le rencontrer et de le lire. Dernièrement, il a écrit au sujet du 5ème Célam qui eut lieu au Brésil. Croyons aux CEBs. Unissons vie et foi. Vivons à partir des pauvres la beauté du Règne de Dieu. La Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres.

            Un dernier mot pour vous communiquer que je me retrouve sans voiture étant donné que la voiture de Novo Brasil reste dans cette paroisse et que celle de Fazenda Nova reste au service de cette paroisse également. Pour assumer mes engagements auprès de la C.P.T., je vais devoir acheter une bonne petite voiture d´occasion. Je vais devoir faire face également à d´autres frais que notre diocèse de Goiás, un peu juste financièrement, ne peut pas assumer. Dès lors, si le coeur vous en dit, aidez-nous un peu financièrement dans la mesure de ce qui vous est possible, en versant au compte des « Oeuvres du Père Paul au Brésil ». Une fois de plus, un tout grand merci à vous toutes et tous qui m´accompagnez par la prière, la pensée, le soutien financier. De tout cœur, je ne désire qu´une chose : qu´un jour vous puissiez venir nous rendre visite afin que nous puissions nous aussi vous partager toutes nos richesses.  Que toutes nos paroles se transforment en actes.
                                                                                                Père Paul.
Père Paul WAFFLARD – E-mail : paul.wafflard@cultura.com.br  Tel : 00.55.62.33.82.12.58
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