Thisnes en deuil
! Au revoir, Monsieur Pineur ! A r'veu, Cornélis, nos vwèzin
! «
C'est un grand Monsieur de Hannut qui s'en va ! » Ces propos d'Hervé
Jamar, le bourgmestre hannutois, résument bien ce que tous ensent,
ce mardi après midi, lors des funérailles de Cornélis
Pineur. L'unanimité est parfaite au sein de la nombreuse assemblée
qui, au-delà de toute appartenance politique, philosophique et religieuse,
tient à accompagner la personnalité thisnoise à sa
dernière demeure.
Il
est vrai que, secrétaire communal durant de longues années
à Thisnes et à Merdorp puis, après la fusion des communes,
receveur communal à Hannut de 1977 à 1987, Cornélis
Pineur a mené toute sa carrière professionnelle en se mettant
au service de ses concitoyens, avec une compétence et une probité
jamais prises en défaut. Au moment de la fusion des communes, ce
n'est pas sans émotion qu'il avait vu son village absorbé
par la petite ville voisine. Pourtant, son bon sens, lui faisait reconnaître
que cela s'imposait... tout en prévoyant que les petites gens seraient
victimes du manque de proximité entre l'administration et les administrés.
Mais, honnête homme, il avait joué le jeu loyalement, poursuivant
sa tâche à Hannut avec le même sérieux et le
même enthousiasme que ceux qu'il avait manifestés à
Thisnes à et Merdorp. Si bien que chacun conserve de lui l'image
d'un homme au sens aiguisé de l'écoute et du devoir ainsi
que d'une parfaite correction.
Grand
amateur de sport, il avait été, après la guerre 40-45,
sociétaire du club d'athlétisme de Hannut, en même
temps que Lucien Gustin et Lucien Dubois. On pouvait le rencontrer aussi
bien au Mémorial Van Damme qu'au club de tennis de table local et
au bord des terrains de football où, au cours de ces dernières
années, il suivait assidûment les matches de son petit fils...
C'est d'ailleurs en regardant les derniers Jeux Olympiques à la
télévision que Cornélis Pineur s'est éteint,
discrètement, comme il a vécu malgré ses fonctions
officielles. Désir de discrétion traduit par des funérailles
sobres, à l'image de l'homme qui préférait la sobriété
et la proximité des échanges personnels aux spots de la scène,
fut-elle locale.
Mais,
permettez-moi de vous parler du voisin qu'il a été pour moi
et avec qui j'ai eu la chance de tisser des liens d'une complicité
amicale, peu démonstrative mais empreinte de sincérité.
Peut être aurez-vous l'impression, à me lire, que Corné
lis n'avait pas de défauts! Si, bien sûr, il en avait, comme
tout le monde; mais au moment du départ, n'est-ce pas les bons côtés
du défunt que chacun conserve en sa mémoire? Et c'est très
bien ainsi!
Pour
beaucoup, et j'en suis, impossible d'évoquer Cornélis Pineur
sans lui associer le nom et l'image de son épouse, qui a marqué
des générations de jeunes enfants au sein de l'école
communale de Thisnes, où elle était reconnue tant pour sa
souriante que pour la qualité rigoureuse de son enseignement. Et,
depuis son décès, il était émouvant de voir
les yeux de Cornélis se brouiller de larmes lorsqu'il parlait de
celle qui avait parcouru un si long chemin à ses côtés:
le temps n'arrivait pas toujours à atténuer la peine de la
séparation.
Cornélis,
c'était aussi un père disponible, port d'attache rassurant
où les siens pouvaient se réfugier et reprendre confiance
lorsque les écueils de la vie se montraient cruels et difficiles
à franchir. Un grand-père attentionné, également,
dont ses petits enfants, Philippine, Alice et Pierre-Philippe, conserveront
longtemps en leur cœur les traces d'un amour sans limite, distillé
au quotidien, et le trésor de moments privilégiés
d'une tendresse réciproque et partagée.
Cet
homme cultivé, curieux de tout, avait le bon goût et la modestie
de ne pas faire étalage de ses connaissances, pourtant multiples
et éclectiques, que ses conversations, toujours intéressantes,
laissaient percevoir de façon évidente.
Enfin,
et j'aurais peut-être dû commencer par là : pour moi,
implanté à Thisnes depuis vingt-sept ans, Cornélis
était l'exemple type du vrai Thisnois, fier de son village, de ses
origines, sans ostentation susceptible de snober les nouveaux arrivants;
bien au contraire, avec la volonté, le plaisir de faire découvrir
et partager avec ceux-ci l'histoire, les petites légendes, les noms,
les beautés architecturales, les beaux coins du village de sa jeunesse
qu'il n'a jamais quitté. Car la fidélité était
aussi une des qualités de l'ami Cornélis. Les tonnes de photos
et d'articles parlant de son Thisnes, la plaque de signalisation routière,
noir, jaune et rouge, mentionnant fièrement « Thisnes-en-Hesbaye
», conservée précieusement dans son garage, ses collections
diverses (cartes postales, bouteilles à "Soda", anciennes plaques
publicitaires... ) témoignent du respect de mon voisin pour tout
ce qu'ont vécu et réalisé ceux qui nous ont précédés,
à Thisnes et dans la région, pour en faire un endroit où
il fait vraiment bon vivre! Et pourtant, dans la même optique, il
s'inquiétait de l'avenir de son village, où trop d'habitants
de nouveaux quartiers transforment ceux-ci en cités dortoirs sans
vraiment s'insérer au tissu humain, culturel et festif des lieux
qui les accueillent. Car, nous confiait-il, un soir de la dernière
Saint-Martin, alors que mon épouse et moi partagions avec lui sachet
de frites et bière des moines, « il faudrait beaucoup plus
de nouveaux vrais Thisnois qui, comme les Buts, Henry Roe, vous deux...,
s'investissent pour perpétuer la vie sociale de notre beau village
et lui donner un avenir. » Réflexion que nous avons reçue
comme un compliment et un cadeau mais aussi comme un signal d'alarme et,
avec le recul, comme une sorte de testament. Puisse son vœu être
entendu et se réaliser avant qu'il ne soit trop tard!
«
Rien n'est plus vivant qu'un souvenir! » disait Frederico Garcia
Lorca. Que ceux que Cornélis nous laisse en héritage soient
source de réconfort et de sérénité pour sa
famille et ses amis éprouvés.. .