« Cartîgna » : Petite lettre brésilienne.
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Fazenda Nova, le 15 août 2001.

Chers Amis,

Le diocèse de Goiás où je vis depuis un an s´est donné pour option fondamentale le service des exclus. Cela ne peut pas n´être qu´une belle formule. C´est pourquoi, très régulièrement des journées de formation et d´évaluation nous rassemblent, nous remotivent par le partage de nos joies et difficultés. La mission et l´annonce de l´évangile sont portées dans un esprit communautaire par nombre de témoins engagés à la base, bien proches des multiples pauvretés.

Il nous faut rester fidèles à une ligne de conduite définie dans notre diocèse de façon collégiale avec tous les acteurs de la pastorale autour de l´évêque selon laquelle notre service des personnes doit les animer à s´organiser pour conquérir leurs droits de telle manière que grandisse la capacité de mobilisation du peuple. Tel est le chemin qu´il nous faut suivre pour exiger que tous aient de bonnes possibilités de vivre dignement : faire pression sur nos gouvernants pour qu´ils promotionnent et développent des réalisations politiques véritablement au service de la population. Cela exige de nous un travail pastoral en équipe.

L´objectif est que chacun devienne plus citoyen et que la démocratie atteigne toutes les dimensions de la vie. Chrétiens du diocèse de Goiás, nous avons à assumer la politique comme une pratique de l´amour au prochain et comme une recherche de la justice. Cet engagement met en question toutes les formes d´exercer le pouvoir politique au bénéfice des privilèges d´une minorité, tout comme la pratique de la corruption et du clientélisme consistant à aider les personnes dans l´unique but de se maintenir au pouvoir.

Au Brésil, les engagements sociaux comme les mouvements de revendication sont accompagnés de fêtes et de célébrations. Toute une frange de la population se rassemble pour exprimer ses attentes d´autres choix politiques en vue d´une autre société mais la fête est présente au coeur des courants revendicatifs.    Elle mobilise davantage : les groupes fraternisent entre eux et se renforcent comme je l´ai remarqué au cours des deux " Romarias " auxquelles j´ai participé.

La première, la Romaria des Martyrs, avait lieu à Ribeirão Cascalheira dans le Mato Grosso, à 10 heures de bus d´ici. Avec l´évêque et tout un groupe de Goiás, nous avons rejoint un grand mouvement, une foule nombreuse, pacifiste mais déterminée, venue de partout pour rappeler la mort violente du Père Jean-Bosco Penido Burnier il y a 25 ans et après lui encore celles de nombreux témoins gênants ayant fait l´option de défendre les droits des plus pauvres dans un service qui animait ces sans voix à s´organiser de manière que grandisse leur capacité de mobilisation.

La commémoration fut organisée à partir d´un de ces énormes camions barriolés bardés de puissants diffuseurs et dénommés ici " trio-elétrico ". Ayant pris place tout en haut sur un podium aménagé, des artistes, chanteurs, danseurs et animateurs accompagnaient de musique, de chants, de prière et de messages socio-politiques notre marche vers le mémorial des martyrs en en actualisant tout le sens. Je ne trouve pas d´équivalent en français pour traduire " romaria ". C´est tout à la fois un grand rassemblement, une marche, une célébration, des moments informels de fraternisation et une fête populaire dont le principal objectif veut manifester l´existence d´un peuple motivé qui n´oublie pas en ranimant chaque participant d´un souffle nouveau ! La " romaria " fait mémoire des événements marquants de l´histoire de ce peuple et rend vivants les témoignages de femmes et d´hommes ayant lutté pacifiquement et avec détermination pour la justice et la défense des droits humains.

L´invitation à participer disait clairement : venez célébrer la mémoire de nos martyrs, assumer un engagement actualisé avec les Causes pour lesquelles ils ont laissé leur vie, et fortifier notre conscience critique, notre union oecuménique et notre espérance pascale. Cela vous dit comme c´est stimulant de participer à une telle rencontre proche des réalités d´un peuple ignoré des puissants,  encadré de militants de tous horizons pour la Cause humanitaire et la Cause de Dieu.

La seconde " romaria " à laquelle j´ai participé fut organisée par notre diocèse même : la Romaria de la Terre et de l´Eau ! Ici encore, il s´agissait de nous mobiliser dans une lutte sans guerre mais réelle pour conscientiser chacun et en particulier les gouvernants locaux à préserver et défendre ces ressources sacrées que sont la terre et l´eau. La dimension religieuse était présente : la nature si belle et oeuvre du Créateur a été confiée à tous les hommes de façon égalitaire pour qu´ils en vivent tous et la bénissent.

Tout autant était présente la dimension socio-politique. Notre terre destinée à être habitée et cultivée est encore au Brésil un vaste territoire et la chasse gardée d´une riche et puissante minorité. C´est une immense injustice ! Du podium du " trio elétrico ", un chanteur nous motivait : " Venez tous ! Entonnons un chant qui naisse de la terre, un chant de paix et d´espérance, mobilisateur en ce temps de guerre. N´oublions pas Raimundo, José, Margarida, Nativo et tous ceux qui ont payé de leur vie leur lutte pour la terre et pour le droit fondamental à l´habiter et la cultiver. " Ceci dit pour la terre et pour les terres ! Quant à l´eau, elle est de plus en plus infectée par les résidus mortels provenant d´usines dont les ir-responsables ont principalement en tête des doctrines de libre concurrence et de profit avant tout en total mépris des pauvres, des petits, impuissants.

A présent, je souhaite que vous preniez aussi comme moi l´engagement suivant : " Participant de la 10ème Romaria de la Terre et de l´Eau, j´assume l´engagement d´appuyer les actions des travailleurs ruraux, hommes et femmes, pour la conquête et le partage de la terre pour habiter et vivre. Je m´engage à respecter la nature, don de Dieu, en évitant toute destruction de la Flore et de la Faune, en cultivant des fleurs, des plantes médicinales, des légumes et des arbres. J´assume de ne pas gaspiller l´eau, source de vie, de prendre soin des sources, rivières et lacs, d´éviter tout type de contamination de la nature. J´assume de pratiquer la solidarité, de vivre en harmonie avec chacun de mes soeurs et frères en dénonçant toute injustice qui blesse l´être humain, pour réaliser ici sur cette terre le projet de libération de Dieu : une vie en abondance pour tous."

Chers Amis, très vif merci de votre soutien et de votre amitié. Courage ! Confiance !

Père Paul.


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