Extrait du  du 9 septembre 2004
Thisnes en deuil ! Au revoir, Monsieur Pineur ! A r'veu, Cornélis, nos vwèzin !
« C'est un grand Monsieur de Hannut qui s'en va ! » Ces propos d'Hervé Jamar, le bourgmestre hannutois, résument bien ce que tous ensent, ce mardi après midi, lors des funérailles de Cornélis Pineur. L'unanimité est parfaite au sein de la nombreuse assemblée qui, au-delà de toute appartenance politique, philosophique et religieuse, tient à accompagner la personnalité thisnoise à sa dernière demeure.
Il est vrai que, secrétaire communal durant de longues années à Thisnes et à Merdorp puis, après la fusion des communes, receveur communal à Hannut de 1977 à 1987, Cornélis Pineur a mené toute sa carrière professionnelle en se mettant au service de ses concitoyens, avec une compétence et une probité jamais prises en défaut. Au moment de la fusion des communes, ce n'est pas sans émotion qu'il avait vu son village absorbé par la petite ville voisine. Pourtant, son bon sens, lui faisait reconnaître que cela s'imposait... tout en prévoyant que les petites gens seraient victimes du manque de proximité entre l'administration et les administrés. Mais, honnête homme, il avait joué le jeu loyalement, poursuivant sa tâche à Hannut avec le même sérieux et le même enthousiasme que ceux qu'il avait manifestés à Thisnes à et Merdorp. Si bien que chacun conserve de lui l'image d'un homme au sens aiguisé de l'écoute et du devoir ainsi que d'une parfaite correction.
Grand amateur de sport, il avait été, après la guerre 40-45, sociétaire du club d'athlétisme de Hannut, en même temps que Lucien Gustin et Lucien Dubois. On pouvait le rencontrer aussi bien au Mémorial Van Damme qu'au club de tennis de table local et au bord des terrains de football où, au cours de ces dernières années, il suivait assidûment les matches de son petit fils... C'est d'ailleurs en regardant les derniers Jeux Olympiques à la télévision que Cornélis Pineur s'est éteint, discrètement, comme il a vécu malgré ses fonctions officielles. Désir de discrétion traduit par des funérailles sobres, à l'image de l'homme qui préférait la sobriété et la proximité des échanges personnels aux spots de la scène, fut-elle locale.
Mais, permettez-moi de vous parler du voisin qu'il a été pour moi et avec qui j'ai eu la chance de tisser des liens d'une complicité amicale, peu démonstrative mais empreinte de sincérité. Peut être aurez-vous l'impression, à me lire, que Corné lis n'avait pas de défauts! Si, bien sûr, il en avait, comme tout le monde; mais au moment du départ, n'est-ce pas les bons côtés du défunt que chacun conserve en sa mémoire? Et c'est très bien ainsi!
Pour beaucoup, et j'en suis, impossible d'évoquer Cornélis Pineur sans lui associer le nom et l'image de son épouse, qui a marqué des générations de jeunes enfants au sein de l'école communale de Thisnes, où elle était reconnue tant pour sa souriante que pour la qualité rigoureuse de son enseignement. Et, depuis son décès, il était émouvant de voir les yeux de Cornélis se brouiller de larmes lorsqu'il parlait de celle qui avait parcouru un si long chemin à ses côtés: le temps n'arrivait pas toujours à atténuer la peine de la séparation.
Cornélis, c'était aussi un père disponible, port d'attache rassurant où les siens pouvaient se réfugier et reprendre confiance lorsque les écueils de la vie se montraient cruels et difficiles à franchir. Un grand-père attentionné, également, dont ses petits enfants, Philippine, Alice et Pierre-Philippe, conserveront longtemps en leur cœur les traces d'un amour sans limite, distillé au quotidien, et le trésor de moments privilégiés d'une tendresse réciproque et partagée.
Cet homme cultivé, curieux de tout, avait le bon goût et la modestie de ne pas faire étalage de ses connaissances, pourtant multiples et éclectiques, que ses conversations, toujours intéressantes, laissaient percevoir de façon évidente.
Enfin, et j'aurais peut-être dû commencer par là : pour moi, implanté à Thisnes depuis vingt-sept ans, Cornélis était l'exemple type du vrai Thisnois, fier de son village, de ses origines, sans ostentation susceptible de snober les nouveaux arrivants; bien au contraire, avec la volonté, le plaisir de faire découvrir et partager avec ceux-ci l'histoire, les petites légendes, les noms, les beautés architecturales, les beaux coins du village de sa jeunesse qu'il n'a jamais quitté. Car la fidélité était aussi une des qualités de l'ami Cornélis. Les tonnes de photos et d'articles parlant de son Thisnes, la plaque de signalisation routière, noir, jaune et rouge, mentionnant fièrement « Thisnes-en-Hesbaye », conservée précieusement dans son garage, ses collections diverses (cartes postales, bouteilles à "Soda", anciennes plaques publicitaires... ) témoignent du respect de mon voisin pour tout ce qu'ont vécu et réalisé ceux qui nous ont précédés, à Thisnes et dans la région, pour en faire un endroit où il fait vraiment bon vivre! Et pourtant, dans la même optique, il s'inquiétait de l'avenir de son village, où trop d'habitants de nouveaux quartiers transforment ceux-ci en cités dortoirs sans vraiment s'insérer au tissu humain, culturel et festif des lieux qui les accueillent. Car, nous confiait-il, un soir de la dernière Saint-Martin, alors que mon épouse et moi partagions avec lui sachet de frites et bière des moines, « il faudrait beaucoup plus de nouveaux vrais Thisnois qui, comme les Buts, Henry Roe, vous deux..., s'investissent pour perpétuer la vie sociale de notre beau village et lui donner un avenir. » Réflexion que nous avons reçue comme un compliment et un cadeau mais aussi comme un signal d'alarme et, avec le recul, comme une sorte de testament. Puisse son vœu être entendu et se réaliser avant qu'il ne soit trop tard!
« Rien n'est plus vivant qu'un souvenir! » disait Frederico Garcia Lorca. Que ceux que Cornélis nous laisse en héritage soient source de réconfort et de sérénité pour sa famille et ses amis éprouvés.. .
Bruno Heureux.